Le baby-boom qui se transforme en mamy et papy boom, il y a 68 ans qu’on peut le prévoir.
Mais les cramponnés ? Pouvait-on le prévoir ? Ceux qui ne veulent pas décrocher, vous en connaissez bien sûr. D’abord ceux qui ont le pouvoir, les politiques et les grands patrons en font partie.
Mais pas que.
Ceux aussi qui ont peur de s’ennuyer à la maison.
Ceux qui ont peur de redevenir “plus rien” avant la vraie fin.
Ceux dont les revenus de retraite sont insuffisants.
Voici quelques cramponnés magnifiques.
C’est près du viaduc de Garabit, merveille de l’ingénieur Eiffel, que j’ai rencontré Lucien.
Il attrape la polio à 6 ans et fait faire des économies à la sécurité sociale en fabriquant lui-même sa prothèse en bois pour sa jambe qui ne fonctionne pas. Il devient paysan, puis tailleur de pierre et forgeron, et enfin menuisier depuis environ 40 années.
Tout ça avec une jambe qui ne fonctionne pas.
Entre-temps, il trouve un prothésiste qui lui fabrique une prothèse en métal, moins lourde que la sienne. Mais la première casse et son prothésiste doit en concevoir une nouvelle, plus solide.
À 84 ans il fabrique toujours des chaises, des archabancs (des sièges coffres qui vont dans un cantou), des banquettes et des fauteuils.
Sa femme, Andrée, bien plus jeune que lui, à 76 ans, fait le paillage des chaises avec de la paille des marais qui coûte 1400 € les 200 kilos. C’est que la paille il faut bien la tendre, sinon ça va pas. En plus du paillage, c’est elle qui fait la vente et arpente les foires. Elle a des clients dans toute la France et exporte en Allemagne et en Angleterre.
Ils ont décidé ensemble de ne plus travailler que les matinées, dimanche y compris. Pendant leur temps libre, Lucien joue de l’accordéon et Andrée danse. Plus jeunes, en plus de leurs activités, ils partaient animer les soirées de touristes. Sur son accordéon, son nom est gravé.
À voir leur photo, croyez-vous qu’ils se plaignent ?
Michel Galabru, un autre cramponné magnifique.
Dans sa 91e année, il continue des tournées dans de petites salles, dans de petites villes, au fin fond des hautes vallées reculées.
Il ne maîtrise plus complètement son texte, mais peu importe. Quand on dit du Daudet revisité par Pagnol, ses improvisations font merveille.
Pourtant, dans cet ancien pavillon Baltard surchauffé par la canicule et transformé en théâtre, la température est extrême. En curé de Cucugnan, sous son lourd costume, il tient une heure et demie et manque d’avoir un malaise à la fin.
Caramba ! Encore raté.
C’est sûr, il veut faire mieux que Molière qui lui, s’éteignit chez lui, après avoir fait un malaise sur scène.
Jusqu’au bout me disait un ami, jusqu’au bout.