Le Manager chef d’orchestre ? un bel oxymore…

Cette métaphore du manager chef d’orchestre, vous l’avez souvent entendue. Si quelque chose vous chatouille à ce propos, j’apporte du poil à gratter.

Orchestre1

Ayant eu la chance d’assister à un concert symphonique dans un ancien grand séminaire d’une petite ville, j’ai pu observer le fonctionnement de cette PME d’une cinquantaine de personnes en étant pratiquement au coude à coude avec la troisième rangée de violons. Instrumentistes majoritairement féminins chez les violons et les bois, majoritairement masculins chez les autres cordes, cuivres et percussions. Les femmes au pipeau et les hommes à la grosse caisse, métaphore quand tu nous tiens.
Après la session toujours rigolote d’accordage des violons, ça commence fort. Le chef d’orchestre entre en scène, salue uniquement le premier violon et ignore superbement tous les autres musiciens; quel mépris. Je vous déconseille formellement ce comportement dans votre entreprise.

Orchestre2

Puis la neuvième symphonie de Schubert commence. Belle allure, le chef avec sa baguette et ses mouvements parfois amples, parfois réduits, parfois énergiques, parfois doux.

partition
Antoine de Padoue

Il lance des œillades aux violons, mais personne ne le regarde car chacun est attentionné à sa partition. De fait, presque personne ne le regarde; jamais. Et pourtant il mouline et s’exprime haut. Son seul vrai job consiste à tourner plus de pages que ses musiciens, car sa partition contient toutes les partitions et compte beaucoup plus de feuillets.
Les musiciens eux, tournent leur page par sous-groupe, les violons, les violoncelles et contrebasses, les cuivres, les clarinettes, hautbois et bassons, etc… Bien vu, car si tout le monde tournait ses pages au même moment, la musique s’arrêterait dans un grand froissement de papier.
Au sein de l’orchestre, la communication est réduite. Aucune parole n’est tolérée, que du non verbal. Quelques œillades, des haussements de sourcils, des rictus et des sourires.

pupitre

Pourtant, il y a de la vie en plus de la musique. Un violon pousse ostensiblement le pupitre de la rangée de derrière, obligeant le collègue à repousser le dit pupitre avec son pied pour le ramener à sa position souhaitée. On s’amuse comme on peut.
Une femme jouant de l’alto lance des œillades au jeune violoncelliste, qui l’ignore superbement, absorbé par le magnifique vitrail de St Antoine de Padoue.
Le second cor se réjouit de l’attaque manquée du cor soliste. On a les petites vengeances qu’on peut.
Soudain, le pupitre mal verrouillé du chef, s’effondre de 20 cm.
La première rangée de violons pouffe et se reprend très vite. Le chef réajuste ses lunettes, car à cette distance il n’y voit plus guère. Tant pis, il connaît la musique.
Un moment plus tard, c’est l’estrade du chef qui se révèle être bancale. Le chef balance son corps de droite à gauche et réalise qu’il peut lui aussi faire de la musique ou plutôt du bruit ce qui le ravit un court instant. Les violons rigolent franchement cette fois.
C’est maintenant la pause. Le régisseur vient remonter le pupitre et mettre une cale sous l’estrade. L’orchestre tape des pieds en signe de reconnaissance. C’est le seul moment où ils jouent comme des pieds.
En deuxième partie, une excellente soprano vient chanter les Wesendonck lieders de Wagner. Positionnée en avant-scène, elle se situe dans le dos du chef d’orchestre. Même punition; celui-ci se retourne de temps en temps, l’air de lui dire “c’est à vous”. La soprano l’ignore superbement car elle ne le voit pas, inspirée seulement par son chant.

Résumons-nous : le chef d’orchestre ne salue qu’une personne, n’a aucune influence sur ses collaborateurs, sa seule utilité est pour démarrer le mouvement et pour le conclure, il est en situation bancale, aucune communication entre collaborateurs n’est autorisée, chacun fait son truc et à la fin c’est le chef qui reçoit tous les honneurs.
Si votre entreprise est dirigée par un tel Manager…